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AOLIS
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J'arrêtai ma monture non loin de l'entrée de la colonie. Mes iris bleus se levèrent en direction des larges branches d'arbres aux dessus de leurs têtes. Je vis des silhouettes se faufiler agilement entre elles avant de disparaitre et parfois des grands yeux curieux qui luisaient à travers les ramures fournies. Cette vue me tira un léger sourire. Le bruit d'une canne frappant contre le sol me conduisit à baisser le regard sur l'individu s'approchant. Un ashias court sur patte et rondouillard, drapé dans des vêtements bleu roi, s'avançant vers lui avec un air affable.
— Mes salutations, Seigneur Aolis de la maison du Dragon, lança-t-il d'un ton enjoué.
— Bonjour, Fye, cela fait longtemps, mon ami.
— En effet, tu n'as pas changé depuis la dernière fois.
— Toi, par contre...
Nous nous mirâmes avant d'éclater de rire, les plumes marbrées de l'ashia s'agitant sur sa tête en de petits mouvements. Cette race était un peuple aviaire à l'aspect humanoïde et à la grande intelligence. Ils n'avaient rien de combattants, mais avaient mis au point nombre de systèmes ingénieux pour vivre ainsi que pour se défendre. Ils entretenaient une excellente relation avec les elfes depuis toujours.
— Venez, tout est prêt pour vous accueillir et les autres sont arrivés depuis quelques jours, annonça Fye en ouvrant la voie.
Je donnai l'ordre au cortège de s'avancer, alors que moi-même emboitai le pas à la créature aviaire, faisant marcher ma monture à sa hauteur. Un arbre gigantesque se profilait devant nous, le quotidien de ces êtres s'était organisé autour de cet arbre depuis des siècles, mais cela n'était pas si étonnant pour des êtres si proches d'oiseaux.
— Ta colonie est toujours aussi prospère à ce que je vois, articulai-je.
— Évidemment, je veille à son bon fonctionnement, je ne veux pas la voir dépérir, ma famille vit ici depuis des générations ! Et j'ai bien l'intention que d'autres générations s'y installent encore !
— N'es-tu pas trop vieux pour encore procréer ? Laisse donc tes enfants prendre la relève, se moqua gentiment le souverain.
— Nous n'avons pas tous la chance de ne pas prendre de l'âge, de plus, il te faudrait t'occuper d'avoir une descendance, à ton âge, il serait temps. Tu n'es même pas encore marié, ce n'est pas convenable pour un roi.
Je ne pus m'empêcher de rouler légèrement des yeux face à cette remarque, somme toute véridique, même si je n'en étais nullement vexé. Fye n'avait pas tort, il y a bien longtemps que ma sœur et moi aurions dû être mariés. Mais cela ne nous intéressait ni l'un ni l'autre au grand désespoir de nos proches. Bien que j'aie pourtant une fiancée. Sauf qu'elle ne trouvait pas du tout pas grâce à mes yeux. Elle était le cliché de la fille de bonne famille qui avait été élevée dans l'unique but de pouvoir devenir reine un jour. Je la voyais comme un produit préfabriqué sans le moindre intérêt. Je n'avais pas envie de l'épouser, mais j'y serais contraint à un moment où l'autre, j'espérais seulement pouvoir retarder l'échéance le plus possible. Soudainement, une image s'imposa à mon esprit. Celle de ce moment que j'avais eue avec cette sang pur dans ma tente. Un long frisson se répandit dans mon corps et une vague de chaleur se diffusa dans mon ventre.
Bordel !
Je chassai ce souvenir que ma chair appréciait bien trop à mon goût et qui fit naître un début de mauvaise humeur dans mes entrailles. Je ne comprenais pas, j'avais déjà connu la volupté de nombreuses femmes, mais aucune d'entre elles ne m'avait fait perdre le contrôle comme cette vampire. Et justement, c'était une vampire, c'était ce qui me dérangeait le plus. Il ne s'agissait que de vermine, d'un parasite dont il fallait se débarrasser. Mais ce regard qu'elle avait eu et cette insolence, c'était...
— Aolis ?
— Hein ?
— Tout va bien ? Tu sembles ailleurs ?
— Ah, navré, je pensais juste à quelque chose, dis-je sans expliciter, mais ce n'est rien de grave, ne t'inquiète pas, mon ami.
Je lui adressai un sourire discret avant d'arrêter mon cheval pour qu'il puisse en descendre. Je m'étirai doucement, mon dos était noueux après tant de jours de voyage, un massage me ferait le plus grand bien. Un ashia, au plumage orangé, vint alors à ma rencontre, il avait une forme longiligne contrairement à Fye, signe de sa jeunesse. Aux vues de sa tenue, il s'agissait d'un palefrenier. Je lui confiai ainsi les rênes de mon cheval afin qu'il puisse le mener se délasser aux écuries. Mes iris bleus se posèrent sur Eirina qui s'attelait déjà à donner les consignes quant à l'organisation pour que tout soit installé au plus vite. Je n'avais donc rien à faire, je bénissais l'efficacité de mon peuple et de mes subordonnés pour cela.
— Où se trouvent les autres ?
— Dans la résidence qui leur a été attribuée, lui répondit Fye. Viens, je t'y conduis.
— Attendez-moi ! s'écria soudainement Edea.
Je l'ignorai. Elle était assez grande pour les suivre, nul besoin que je lui tienne la main comme lorsque nous étions enfants et qu'elle eût la fâcheuse manie de se perdre. Je l'entendis vaguement râler dans notre dos, là aussi, je n'y portai pas de réelle attention. La résidence ne se trouvait pas bien loin, je profitai tout de même pour étudier l'endroit. Ça n'avait pas tant changé, même si quelques nouveautés s'étaient ajoutées depuis ma dernière visite. Je levai le nez pour observer un système de monte-charge construit entre les imposantes branches de l'arbre au-dessus de leur tête. La machine s'étendait dans toutes les directions, presque semblable à une gigantesque toile d'araignée.
— Vous l'avez encore amélioré à ce que je vois.
— En effet, il tourne maintenant à l'électricité, c'est bien plus pratique, expliqua l'ashia rondouillard, il peut également soulever des poids bien plus conséquents, nous avons renforcé la structure avec des chaînes comme tu peux le constater. Cela s'use bien moins vite que des cordes.
— Vous êtes toujours aussi ingénieux. Et ces lanternes fonctionnent au courant ?
— Oui, cela aide les enfants à moitié humains la nuit, ils ne peuvent pas voir aussi bien que nous dans la pénombre.
Les ashias se rapprochaient, pour la très grande majorité d'entre eux, des rapaces nocturnes dans leur constitution, il était donc normal qu'ils soient à leur aise dans l'obscurité. Mais un gène humain amoindrissait cette faculté, voilà pourquoi je ne comprenais pas vraiment l'hybridation ou en tout cas celle de certaines espèces entre elles. Cela apportait souvent des tares et la détérioration des capacités. Bien que certains contredisent cette théorie en disant que le métissage maîtrisé amenait à rendre les individus plus forts. Un léger choc contre mes jambes me fit baisser les yeux en direction du sol et je tombai sur deux gros yeux qui me fixaient avec curiosité. Il s'agissait, justement, d'une jeune enfant hybride. Je le savais à ses traits humains et ses yeux bien trop grands pour cette espèce. Ces particularités étaient l'une des marques de fabrique de ces petits croisés, en plus des attributs aviaires qu'ils développaient durant leur croissance.
L'enfant me dévisagea encore quelques secondes avant de prendre la fuite et de disparaitre au coin d'une étale remplie de fruits et de légumes aux couleurs vives qui témoignait de leur bonne qualité. Je ne fis pas de commentaire et repris ma marche. Nous fûmes salués par de nombreux ashias, Edea s'arrêta même pour pouvoir papoter à grandes pompes avec certains d'entre eux. Moi, je me montrais plus modéré dans la parlote, non pas que je n'apprécie pas discuter avec ces êtres plein de savoir, mais la fatigue m'avait atteint bien plus que ce que je n'imaginais. Je rêvais de pouvoir me délester de ma tenue de voyage et d'un bain, dans une vraie baignoire, qui détendrait, à coup sûr, mes muscles noueux. Ce fut donc avec un bonheur retenu que je vis apparaitre la résidence. Une belle maison au mur à la teinte menthe et au toit en tuiles marron qui possédait de grandes fenêtres pour permettre à la lumière de pénétrer les lieux.
Si la majorité des ashias logeaient en hauteur, dans les branches de l'immense arbre dans lequel ils avaient construit leur colonie, certains vivaient également à sa base. Et j'en étais content, j'aimais avoir les pieds sur terre même si je ne souffrais pas de vertiges. Fye ouvrit la porte et nous laissa entrer dans la demeure.
— Vous avez toujours eu un goût particulier pour la décoration, même si ce n'est pas si mal, commenta ma cadette d'un ton amusé.
— Nous ne nous fatiguons effectivement pas autant que vous dans l'art de garnir nos chez nous, nous préférons largement mettre notre énergie dans d'autres conceptions plus utiles, ma chère.
Un rire discret m'échappa face à la réplique du vieil ashia, il n'avait pas tort. Leurs habitations simplistes étaient compensées par leurs inventions fabuleuses. Et puis, la sobriété avait aussi du bon, je savais l'apprécier à sa juste valeur.
— Seigneur Aolis !
Mon sourire mourut à l'entente de cette voix féminine que je ne connaissais que trop bien. Je réceptionnai une jeune femme — en apparence — contre moi, lui adressant un regard las. Celle-ci l'ignora royalement et m'offrit son plus beau rictus alors que ses yeux améthyste pétillaient de bonheur à ma vision.
— Bonjour, Merethyl, soufflai-je d'un ton neutre.
— Je suis si heureuse de vous voir ici ! J'espère que votre voyage s'est bien passé !
— Comme tu peux le voir, je suis en un seul morceau.
— Oui, Thuaris en soi remerciée.
C'était exactement ce que je détestais chez cette fille, elle était beaucoup trop parfaite. Elle était pourtant d'une beauté à couper le souffle avec ses cheveux châtains élégamment ondulés, ses grands yeux pailletés, ses taches de rousseur et son sourire radieux. Mais je n'y arrivais pas, elle faisait trop fausse. Je la repoussai sans violence et mon attention se porta sur une autre elfe. Celle-ci était appuyée contre le cadre de la porte sur notre gauche, un rictus en coin malicieux aux lèvres et les bras croisés sous sa lourde poitrine.
— Et bien, et bien, fit-elle de sa voix sensuelle, mon neveu, tu sembles très fatigué au contraire de ta sœur.
— Parce que je le suis, tante Haera.
— Comprenez-le, ma tante, il commence à se faire vieux, se moqua gentiment Edea. Et il n'a personne pour s'occuper de lui, le pauvre.
— C'est sûr que nous n'avons pas les mêmes responsabilités et le même temps libre, dis-je d'un ton narquois à mon tour. C'est si fatigant de ne rien faire, pas vrai ?
J'observai ma cadette me tirer la langue, ce qui m'arracha un sourire satisfait, ce geste signifiait que j'avais gagné. Notre tante échappa un petit rire en s'approchant de nous.
— Vous ne changerez jamais vous deux, enfin, allez vous installer, nous verrons le reste ensuite. De plus, il faut que je retrouve Nym, je ne sais pas où il a encore bien pu aller.
Je ne pus m'empêcher de tiquer face à la mention de mon cousin. Je ne l'appréciais pas du tout. Si je le tolérais dans mon entourage, c'était uniquement parce qu'il était de ma famille, je n'avais donc pas vraiment d'autres choix, mais je me serais bien passé de ce maudit parasite. Je ne comprenais pas comment ma tante avait pu mettre au monde un elfe comme lui, il n'y avait que sa beauté qui le sauvait d'être un rebut. Je ne fis par conséquent aucun commentaire, ne pas le côtoyer ne me posait aucun souci, au contraire, j'en étais plus que satisfait.
— Les chambres se trouvent à l'étage, celles qui vous sont destinées sont tout au fond du couloir, nous informa Fye, prenez tout votre temps, nous nous verrons de toute façon plus tard.
— Évidemment, encore merci à toi et les tiens pour votre accueil.
— Ne nous remercie pas, tu devrais savoir que, depuis le temps, tout le plaisir est pour nous.
Je lui adressai un sourire amical avant de rejoindre l'étage, laissant ma sœur faire comme elle voulait. Je me rendis donc au fond du corridor pour aller dans la pièce qui m'était réservée. Une fois à l'intérieur de la chambre chaleureuse, je me délestai de mes vêtements que je posai sur le lit à baldaquin. Une de mes grandes mains se pressa sur mon épaule alors que j'appliquai un mouvement circulaire avec celle-ci. Mes pas le guidèrent jusqu'à la salle de bain où un bain fumant et parfumé m'attendait déjà. Je ne perdis pas un instant pour me glisser dans l'eau chaude, faisant légèrement déborder la baignoire. La température élevée m'arracha un râle de satisfaction et je sentis tout de suite l'entièreté de mon être se détendre. Ça faisait un bien fou. Mes yeux bleus se fixèrent sur le plafond, alors que les douces fragrances fleuries qui embaumaient la pièce emplissaient mes narines. Sans que je le réalise, l'image de Raävena s'imposa petit à petit dans mon imagination. Comme à chaque fois que je ne m'occupai pas l'esprit, une chaleur bien différente de celle provoquée par le liquide brûlant s'empara de mon corps.
Je pris une grande inspiration alors que mes paupières se fermèrent et qu'une de mes mains glissa le long de mon ventre et plus bas encore. Je le haïssais pour avoir cet effet sur moi. Je la détestais vraiment.
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